Renault Trucks : une première mondiale à l'usine de Bourg

Une ligne d'assemblage expérimentale et une première mondiale sur le site de Bourg. Vu la conjoncture, fallait-il mettre plus de 10 millions d'euros dans un tel équipement ? Pour la stratégie d'industrie et le bassin de vie, la réponse est oui

Inauguration à Renault Trucks Bourg mercredi après-midi. Deux heures, sans compter les petits fours. Le temps pour les invités de découvrir la ligne d'assemblage expérimentale « hybrides, énergies alternatives et développement » (HD&L). L'occasion ne se représentera pas de sitôt. C'est ici, entre laboratoire virtuel et chaîne réelle, que le constructeur testera ses innovations. Que du prototype, de la petite série triturée sous tous les boulons. Top secret, donc.

HD&L est une première mondiale. Tous les constructeurs de poids lourds ont leurs bureaux d'études et leurs plates-formes d'essais. Mais aucun n'avait encore dédié une ligne d'assemblage à l'expérimentation. Jusqu'à hier, Renault Trucks assemblait un proto sur sa chaîne de montage, le testait puis le modifiait en fonction. Avec HD&L, le véhicule est testé avant de passer à la grande production sous sa forme définitive. D'où, gains de productivité, performances, qualité et confort de travail.

Ce coup de science peut sembler ambitieux, sinon présomptueux, voire dispendieux alors que Renault Trucks vient de traverser « une année terrible » selon son P-dg Stefano Chmielewski.

La reprise arrive trop lentement pour que les indicateurs sortent de la zone rouge. Christian Lalo, le directeur du site de Bourg, confirme. Avec 90 véhicules/jour, la production reste à l'étiage. Les 2 000 salariés chôment une semaine sur deux et aucune amélioration n'est prévue d'ici l'automne. Dans ces conditions, fallait-il mettre plus de dix millions d'euros dans un tel équipement ?

La réponse est oui. D'abord, l'investissement remonte à 2008, avant la crise. « Nous allons toujours au bout de ce que nous entreprenons », dit Stefano Chmielewski. Il est d'autant plus indispensable que les temps sont durs. « Je ne sais pas si la crise découchera sur une croissance verte, poursuit le grand patron. Mais ce que je sais, c'est que les camions continueront à rouler. Nous devrons être là au moment de la reprise pour répondre aux exigences du législateur et de la clientèle. Cet investissement est stratégique. Notre souci est de produire pour le futur en préservant les emplois et nous trouver un pas en avant de nos concurrents. »

Pour le bassin de vie, ce volontarisme représente un signal fort. Le préfet Régis Guyot, le député Xavier Breton, le maire et conseiller régional Jean-François Debat, le président du conseil général Rachel Mazuir… Tous ont rappelé le lien qui unit l'entreprise à son territoire. « Quand Renault Trucks s'enrhume, c'est la région qui s'inquiète », note Jean-François Debat après avoir mis en perspective les 3 000 emplois indirects générés par le constructeur.

Régis Guyot est sur la même ligne. Le préfet de l'Ain a cependant conclu son intervention par un « appel amical. L'Ain est une terre de PME innovantes. Dans la reprise, n'oubliez pas vos fournisseurs. Vous pouvez donner un exemple qui n'a pas toujours été suivi dans l'industrie automobile. » À bon entendeur…

Marc Dazy

Pour le béotien, la nouvelle ligne d'assemblage ressemble à une autre comme deux gouttes d'huile de synthèse.

Pimpante dans ses coloris jaune, bleu, gris, mais pas très impressionnante avec ses 130 mètres de long sur 3 680 m2 au sol. Le bâtiment s'inscrit évidemment dans une démarche de développement durable : pompes à chaleur, panneaux photovoltaïques et éclairage « intelligent ». Là encore, rien d'exceptionnel.

Tout s'éclaire en même temps que l'intelligence artificielle des ordinateurs. Ils permettent de réaliser des essais virtuels aussi fiables que le réel. Poser au mieux un moteur sur un chariot, ou riveter une traverse par exemple. Ou trouver la juste ergonomie. L'ouvrier est-il de guingois par rapport à la pièce ? Hop ! Le mannequin numérique passe du vert au rouge en fonction des postures. Optimiser l'assemblage dans ses moindres détails avant de produire le véhicule en série. Tel est le but de ce chaînon manquant entre conception et fabrication, cette « pré-industrialisation en ligne » comme la qualifie le chef de projet Philippe Baizet.

Renault Trucks l'utilisera pour tester ses véhicules de demain, c'est-à-dire d'aujourd'hui. Priorité à l'environnement. Le constructeur se place déjà dans la perspective de la norme de dépollution des moteurs diesel « Euro 6 » qui entrera en vigueur en 2013. Il développe aussi un hybride diesel/électricité aperçu mercredi à Bourg sur un camion de chantier. Sans parler des recherches permanentes sur la sécurité, la qualité ou le « look » de poids lourds de plus en plus stylés. « D'innovations ponctuelles jusqu'à la réalisation de véhicules complets quand on renouvelle la gamme » conclut Philippe Baizet.